SUDNLY

Des talents, des adresses, des personnalités, des événements, chaque vendredi midi, de nouvelles raisons d’aimer le Sud.

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Par Luc Clément
29 mars · 6 mn à lire
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debout, c’est l’aurore

Aujourd’hui, art de la table centenaire, vestiaire outdoor vertueux, tradition bijoutière revisitée, bananes à croquer et autres découvertes du Sud

Éostre. Bien qu’il soit de saison, ce nom pourrait bien ne pas vous être familier. Et pour cause, son culte s’étant perdu dans l’obscurité du VIIIe siècle de notre ère, après avoir été vénéré en Grande-Bretagne et sans doute dans les contrées germaniques ou baltes. Plus près de nous, alter ego des déesses grecque Eos ou romaine Aurore, elle est la divinité de la lumière, annonciatrice du matin, renouveau de la vie, célébrée après le solstice d’hiver et désormais assimilée aux fêtes pascales de la résurrection. D’ailleurs, vous remarquerez que Pâques se dit Easter en anglais ou Ostern en allemand. Pour guetter cette aurore tant attendue, porteuse d’espoir en un avenir meilleur, n’oubliez quand même pas de changer d’heure (et de revoir le chef-d’œuvre de Murnau).

La Belle Histoire de la Semaine

Louis Sicard, la plus belle des faïences

Wikipédia nous dira-t-il quel génie septentrional inventa un jour la boule à neige ? Ou quel bâtisseur suburbain, les nains de jardins pavillonnaires ? Il semble que non, et c’est contrariant. Mais réjouissons-nous car entre ici Louis Marius Sicard, au panthéon des hameaux et villages provençaux depuis ce jour de 1895 où sortit de son four aubagnais la première cigale en faïence polychrome. Toute évocation de la cigale melba de feu Pierre Desproges serait ici hors de propos puisqu’il ne s’agit pas de parler cuisine mais bien de la naissance historique d’une icône décorative qui, depuis, brille sans faillir au fronton d’innombrables foyers de Provence.   

Comme toujours, un chef-d’œuvre, même reproduit à des millions d’exemplaires, ne saurait masquer l’ensemble de l’œuvre, ni le talent de l’artiste. Un talent que la Reine Victoria, rencontrée par hasard à Menton quelques années plus tôt, aurait salué dit-on par cette exclamation : “tu fais danser l’argile.”, en souveraine proche du peuple, fut-il étranger, et en experte avertie de la fine bone china à l’heure du five o’clock tea. La poétesse Anna de Noailles l’honora, à son tour d’un : “Monsieur, vous avez du printemps dans les mains.” Multipliant les créations – objets de décoration ou d’art de la table – dont certaines sont entrées au musée ou demeurent des pièces emblématiques du patrimoine provençal, Louis Sicard connut le succès, vit sa réputation dépasser les frontières et enseigna son art aux Beaux-Arts de Marseille. Les anciens (finalement plus prolixes que Wikipédia) racontent qu’à son décès, les cigales chantèrent au diapason, comme pour honorer leur père de céramique.

Théo et Georges, ses fils, formés par lui aux arts du feu, reprirent donc le flambeau et firent fructifier la manufacture familiale jusqu’à l’orée des années 1970 où le dernier représentant des Sicard en confia les rênes au couple ami Amy mais toujours à Aubagne. Raymond Amy, santonnier de son état, et sa femme Sylvette surent en magnifier l’aura, exposant les créations maison au Japon et aux Etats-Unis (peut-être même Miami finalement ?). Une famille succédant à une autre, ce sera au tour des enfants de Raymond et Sylvette d’entretenir la flamme de Louis Sicard, ce que Marianne et Florence font aujourd’hui avec brio, dirigeant l’entreprise cent-trentenaire, membre des Centaures d’Aix-Marseille, dans la modernité d’un nouveau millénaire.

Modernité traduite pour les 120 ans de la maison par la création d’un avatar design de l’iconique cicadidé, disponible en 38 couleurs et 5 tailles, du repose-couteau au trophée de 30 cm d’envergure. Ou encore, au travers du projet de Clément Rosenberg, lauréat du Grand Prix Van Cleef and Arpels à Design Parade Toulon 2023, qui fit de l’icône zoomorphe la matière d’une héraldique fictionnelle de Provence. Et comme il n’y a pas que les cigales dans la vie, les services Sicard décorés de rameaux d’olivier, d’envolées d’olives ou de l’historique semis d’aubépine feront chanter vos tables avec autant de chaleur provençale.

Cigale Évocation Louis Sicard, design Emmanuel Agnel © T. SebbanCigale Évocation Louis Sicard, design Emmanuel Agnel © T. Sebban

Nos Repérages Hebdo

La minute nécessaire de monsieur Lagoped

Le lagopède vit en liberté, bien qu’il soit attaché à l’ordre des galliformes, de préférence entre 1 800 et 3 000 m d’altitude où il batifole entre pierres sèches et herbe rase. Ce qui ne l’empêche pas d’être monogame, nonobstant son surnom de poule des neiges. Le lagopède aime la marche comme l’indique son nom qui associe les radicaux lagos (lièvre en grec) et pedis (pied en latin). Un volatile à pattes de lièvre, donc, mais en aucun cas gréco-romain puisque ses premières traces (de patte) remontent à l’époque glaciaire. Cet oiseau, qui appartient à la sous-famille des tétras sans pour autant être en pack, voit son destin étrangement lié au lièvre, et plus particulièrement au lièvre arctique avec lequel il partage l’étonnante faculté de changer totalement de couleur, alors qu’il ne fait pas de politique.

Christophe Cordonnier, Julien Désécures et Pierre Durieux, eux, ne changent pas de couleur mais de métier. Respectivement ingénieur financier devenu entrepreneur, ingénieur devenu guide de haute montagne et consultant en stratégie devenu animateur de tiers lieu, ils partagent avec le lagopède le même amour pour la marche, la montagne et la biodiversité. Camarades de cordée dans les Alpes, ils ont décidé en 2018 de créer une marque de vêtements apte à habiller respectueusement leur passion pour la nature. Leur secret ? L’économie régénérative, soit l’utilisation de matières recyclées pour fabriquer la collection outdoor la plus durable possible. Dessinés par ces montagnards aguerris, les modèles sont écoconçus et fabriqués en Europe si scrupuleusement que la marque est la première à publier sans crainte les éco-scores de tous ses produits qui laisseront moins de traces encore sur la planète que notre lagopède. Des vêtements techniques et stylés pour la glisse, la grimpe, la randonnée ou la navigation, affronter tous les défis et températures ou changer de couleur à volonté. Et le lagopède me direz-vous ? Il illustre si bien les idéaux des 3 fondateurs qu’il est devenu leur emblème. Au-delà de l’éco-responsabilité, parfois galvaudée, Lagoped invente l’art du mimétisme pour ne faire qu’un avec la nature.

Tenue et accessoires Lagoped © DRTenue et accessoires Lagoped © DR

Baladons-nous en Haute-Provence

Si le printemps vous inspire des envies de nature, de paysages verdoyants à traverser dans la douceur d’une saison loin des foules, l’occasion est belle de vous tourner vers les Alpes de Haute-Provence. Vous pouvez partir à l’aventure sur ses routes parfumées qui sinuent de village en village. Ou suivre au gré de vos appétits les circuits et escapades qu’a imaginés le collectif d’entrepreneurs qui représentent la quintessence de ce terroir de caractère. Baptisé Route des Saveurs et des Senteurs de Haute-Provence, il propose une succession d’itinéraires thématiques à la rencontre des sites, ateliers et produits les plus emblématiques de la région. Fabriques et savoir-faire incontournables, découverte des villages, des marchés ou de la richesse botanique, les itinéraires vous sont tracés de la façon la plus pratique avec tous les détails, ce qui ne vous empêche pas de fabriquer votre propre carnet de route à la rencontre de distilleries, confiseurs, fromagers, maisons de cosmétique naturelle, conserveries, producteurs huile d’olive ou bonnes tables. Visites, ateliers, dégustations, un parcours initiatique pour éveiller et combler les sens. Toutes les adresses, les circuits et les informations sont en ligne.

Une pause sur la route des Saveurs et Senteurs de Haute-Provence © DRUne pause sur la route des Saveurs et Senteurs de Haute-Provence © DR

Avrandinis. La peinture à la ligne

Comme les lignes caractéristiques de son style graphique, le parcours d’Aline Chemla est fait de croisements, de bifurcations et d’images récurrentes en arrière-plan. À défaut de pouvoir embrasser un cursus artistique, elle étudie le droit, non à la manière du politologue Michel Colucci qui diagnostiquait 5 ans de droit et tout le reste de travers. Plutôt avec un schéma très personnel en tête, labyrinthique en apparence mais empreint d’une intime cohérence. Elle ne fréquentera pas le Palais de Justice de Marseille malgré son diplôme, préférant ouvrir une épicerie juste derrière et suivre le modèle de sa grand-mère Avrandinis, épicière rue de la République et dernière du nom. De l’épicerie à la cuisine, il n’y a qu’un tournant qu’Aline emprunte hardiment pour officier pas n’importe où mais chez Yima ou Sessùn Alma. L’envie de l’art, qu’elle a tout de même étudié à l’Atelier de Sèvres en marge de ses études juridiques, la décide une fois encore à changer de tablier pour se consacrer cette fois à sa propre pratique, dans un atelier partagé où elle côtoie un photographe et, plus étonnant, un économiste et un philosophe. Un nouveau départ, fidèle pourtant à ses origines, ce qu’elle confirme en adoptant pour signature le patronyme Avrandinis, lui assurant une nouvelle postérité. À mi-chemin du dessin grec antique et du Bauhaus constructiviste, ses pièces maîtresses sont des tentures murales aux géométries intriquées, peintes à base de pigments réalisés par ses soins sur des toiles de coton. De là, se déploient comme autant de mini-réseaux doués d’une vie propre, dessins, sérigraphies, fresques murales et objets, tantôt architectures, portraits, natures mortes, sur le fil de l’abstraction et dans la chaleur d’une palette profondément méditerranéenne.

Avrandinis, série Antic Ideal, peinture pigmentaire sur toile © Igo StudioAvrandinis, série Antic Ideal, peinture pigmentaire sur toile © Igo Studio

Ligne Aurore. Les belles peaux font les belles bananes

Orchestré par les marques de luxe, l’improbable retour de la banane il y a une décennie se rangeait au nombre des fashion provocations telles que les claquettes à fourrure ou les bobs de tout poil. Mais rien de tout ça ne saurait stigmatiser les créations d’Aurore, que l’on adore pour leur mix parfaitement maîtrisé de charme féminin preppy indémodable et d’artisanat de mode qui fait naître une multiplicité de styles qu’on voudrait tous collectionner. Diplômée du pôle art et design de l’Université de Nîmes, Aurore a fait ses classes au sein de plusieurs maisons avant de créer son éponyme Ligne Aurore. Si le cuir – de qualité s’entend et sourcé pas plus loin qu’en France, en Italie voire en Espagne – l’a toujours intéressée, elle se tourne vers ses versions vegan par conviction personnelle mais aussi vers le velours ou les imprimés vichy qui élargissent le champ de la banane. Labellisé artisan d’art, l’atelier d’Aurore produit aussi une collection de sacs seau, sacs à dos, cabas et tote bags, soigneusement réalisés et livrés dans un élégant pochon, qui méritent bien un tour illico sur son e-shop.

Sacs issus de la collection de maroquinerie artisanale Ligne Aurore © DRSacs issus de la collection de maroquinerie artisanale Ligne Aurore © DR

Violette. Bijoux d’histoire naturelle

La légendaire élégance des Arlésiennes, révélée dès le XVIIe, quand les Parisiennes firent de la ville leur avant-poste en Provence, 4 siècles avant Franck O. Gehry, tient autant dans leurs tenues sophistiquées que dans les bijoux qu’elles portaient en chaque occasion. Parmi eux, le bracelet coulas, jonc aux entrelacs d’or offert traditionnellement pour le mariage et assorti d’une plaque gravée ou d’une croix. Une pièce traditionnelle que Violette Chevalier, délaissant un jour l’ostéopathie pour des années de formation à l’art de la bijouterie, a entrepris de réactualiser. Subtilement épuré, décliné en boucles d’oreilles, allégé en laiton doré, il trouve le juste équilibre entre un design organique et un hommage à l’histoire provençale. Une même ligne d’équilibre sur laquelle évolue la créatrice qui signe des bagues, colliers, pendentifs et autres sculptures auriculaires où les courbes du métal épousent celles de la nature et jouent d’un symbolisme suggéré. Une collection vivante, fabriquée de ses propres mains dans son atelier marseillais.

Boucles d'oreilles Violette en laiton doré © Julie ChevillatBoucles d'oreilles Violette en laiton doré © Julie Chevillat

Notre Sélection Culture


Tout au long de son œuvre, Pier-Paolo Pasolini a multiplié les références à l’histoire de l’art avant de devenir, à son tour, une influence majeure pour les générations successives d’artistes contemporains, comme en témoigne Pasolini en clair-obscur, la nouvelle exposition du NMNM, à voir à Monaco jusqu’au 29 septembre.

Les 30 et 31 mars, seconde édition du salon Trafic dédié à l’édition contemporaine au Frac Sud, Cité de l’Art Contemporain, du graphisme au graffiti, du fanzine à l’ouvrage d’artiste, un foisonnement représenté par 135 exposants et ponctué par une soirée bien (Jeanne) Barret samedi soir.

Considérée comme l’une des artistes espagnoles les plus importantes aujourd’hui pour sa pratique qui inscrit le tissage dans l’histoire de l’art et des traditions populaires, Teresa Lanceta bénéficie pour la première fois en France d’une monographie rétrospective au Musée d’art moderne de Céret.

Jean-Luc Verna, I ragazzi, 2023. Courtesy de l'artiste, galeries Espace à vendre et Ceysson & Bénétière. Photo Marc Domage pour Air de Paris © Jean-Luc Verna, Adagp, Paris, 2024Jean-Luc Verna, I ragazzi, 2023. Courtesy de l'artiste, galeries Espace à vendre et Ceysson & Bénétière. Photo Marc Domage pour Air de Paris © Jean-Luc Verna, Adagp, Paris, 2024

Nos Actus Soudaines

Du 2 au 7 avril, les Journées Européennes des Métiers d’Art 2024 célèbrent le savoir-faire français, qu’il émane d’Entreprises centenaires du Patrimoine Vivant ou de discrets ateliers d’artisans d’art à découvrir. 7 000 événements partout en France dont bon nombre tout autour de vous, et que vous trouverez juste ici.

Du mercredi 3 au dimanche 7 avril, tous en jambe pour la No Finish Line de Nice qui transforme chacun de vos kilomètres parcourus – en marchant, en courant, en moonwalk, ce que vous voulez – en euro sonnant et trébuchant dont la somme totale permettra de financer des projets à destination des enfants souffrants ou défavorisés.

Ce soir à Nice, les futurs talents formés par l’école Cuisine Mode d’Emploi(s) préparent une centaine de repas pour les personnes accueillies à la Halte de Nuit de la Fondation de Nice. C’est la 11e édition des Cuisines Solidaires – La Relève, loin du bruit médiatique mais proche de là où il faut agir.

Ce week-end, la prestigieuse Foire Internationale Antiquités et Brocante de L’Isle-sur-la-Sorgue investit chaque espace de la ville de ses trésors qui ont traversé le temps. Incontournable pour qui aime les objets d’art et d’époque mais aussi pour se plonger dans la charmante effervescence de la capitale de la chine en Provence.

Du 30 mars au 28 avril, le Festival Bandol Céramique fête ses 40 ans. Au programme de ce nouveau Printemps des potiers, le traditionnel grand marché de la poterie et de la céramique, des expositions, des projections, spectacles et performances. Une grande célébration des arts du feu et de la terre.

Et pour finir, notre bonus musical de la semaine, qui fit émerger de la scène new-yorkaise à l’orée des années 80 une branche sauvage, passablement déplumée et néanmoins groovy de notre fameux lagopède. Enjoy!

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